mercredi 22 juillet 2009

Une nuit avec janjacQ...


à cent cinquante mètres, à gauche, vous êtes arrivé à destination

putain, c’est à pas d’heure que j’arrive, elle va plus m’attendre

la nuit la plus courte, et la plus torride qu’elle disait, est en train de tomber sur la Mayenne, c’est l’été et il pleut à seaux, le ciel est noir, il fait froid, 14°C à l’indicateur de bord, toutes les vitres de la Mini se sont embuées depuis que je suis à l’arrêt

le jour le plus long qui s’achève a été une journée de merde, je te raconte pas, mais en faisant le constat d’accident sous les averses, quand ce con de lavallois qui m’a refusé la priorité m’a indiqué que j’étais à deux kilomètres de chez elle, je me suis dit que je ne pouvais plus faire demi-tour

je suis déjà trempé comme une soupe, je dégouline de partout, et il va encore falloir que je sorte sous l’orage qui redouble, il y a une bonne cinquantaine de mètres qui me séparent de la petite maison de poupée, au bout de l’allée encombrée de bagnoles, j’en ai compté six, et je me demande qu’est ce que c’est que ce binz, merde

fonce janjacq, fonce

mon opticien m’a vendu des verres hydrophobes, je devrais y voir malgré la pluie, mais je m’empale dans le guidon d’une moto grise qui a été remisée en haut de l’escalier du perron, sous un auvent qui ne la protège en rien

un casque, gris aussi, tout est gris, dévale les marches dans un chahut d’enfer, il va bien finir tout cabossé celui-là

pouvait pas le rentrer son casque, pute borgne

tiens, une chevillette

tire la chevillette et la bobinette cherra, qu’il disait, alors je m’exécute mais l’huis tarde à s’ouvrir, alors je me penche en avant pour mettre mon oreille contre la porte mais une goutte d’eau froide d’un litre ou deux me tombe dans le cou et me glace jusqu’aux os, alors je toque d’un index replié et timide mais personne ne vient m’ouvrir

tu es venu ?

c’est elle qui vient d’entrebâiller le lourd vantail clouté, je suis sûr que c’est elle

elle est aussi jolie que son avatar, pourtant je la trouve un peu plus gironde que je ne me l’imaginais, elle est seulement vêtue d’une chemise d’homme trop grande pour elle portée sur un caleçon Calvin Klein à braguette boutonnée, encore un truc de mec

son œil vert (bleu ?) est allé de ma très légère bedondaine au bout de mon menton où ma barbe blanchit un peu, une déception à peine perceptible passe dans son regard, je pense que mes pectoraux ne sont pas non plus à la hauteur de ses attentes

entre, tu vas te mouiller…

je te présente mes… liens

ils sont sept, sept mecs qui me regardent comme par en dessous

j’ai le sentiment d’être de trop, même si l’un d’eux me sourit, découvrant de belles dents blanches piquetées de cadavres de moustiques écrabouillés

c’est certainement lui qui est venu jusqu’ici à moto, j’aime bien son tee-shirt jaune à manches longues, je me demande si c’est bien lui jf

allez les garçons ! vous avez vu l’heure ? on monte !?

elle s’engage dans l’escalier qui mène sous les combles, suivie des sept lascars dont j’ai tout le temps de détailler les fesses, deux d’entre eux ont de sacrés jolis petits culs, parole

je reste debout dans ma flaque, j’ai soif, j’ai envie de me sécher mais dans la cheminée le feu est en train de s‘éteindre, personne ne m’a rien proposé alors j’enlève mes chaussures et mon pull trempés et vais m’asseoir sur un tabouret bancal près de l’âtre

quelques braises y rougeoient encore que j’attise en soufflant et en toussant, en ajoutant une bûche, aussi

le tabouret est trop bas pour mes guiboles et trop dur pour mon derrière, je me relève

sur la grande table de ferme, j’ai aperçu des verres à vin vides mais aussi un fond de bouteille qui semble m’appeler

mazette, un Haut-Brion 1990, avec au goulot une étiquette manuscrite qui pendouille, de la part de Charles, pour Virginie, amicalement, il ne s’est vraiment pas fichu d’elle le bougre, il doit être natif de Pessac ou de Léognan, et pas fauché non plus

et moi qui n’ai rien amené

je siffle à la régalade le restant de la bouteille, cul sec, pas dégueu la vinasse, je n’y connais pourtant rien

on n’entend aucun bruit, juste le crépitement du feu, et de temps à autre un rire étouffé, un rire féminin qui ne peut être que celui de notre hôtesse, on s’amuse sagement là-haut

il y a dans un coin de la pièce un pupitre d’écolier sur lequel est posé un ordinateur portable fermé, et sur l’ordinateur, le Petit Robert 2008 ouvert à la page 2576

torpiller… torrent… torride…

torride – adj. – 1. où la chaleur est extrême 2. sensuel, ardent…

pourquoi ai-je donc si froid ?

et eux autres, à l’étage, pourquoi leur ardeur en cette nuit de folie est-elle aussi silencieuse ?

mais qu’est-ce qu’ils branlent ?

je me suis à nouveau rapproché de la cheminée, j’hésite à m’asseoir dans l’immense canapé rouge couvert de cousins multicolores, je m’approche de la fenêtre, la pluie a cessé, le vent a chassé les nuages

c’est une nuit sans lune

je décide d’aller faire un tour dehors, ne serait-ce que pour ramasser le casque qui a roulé au bas des marches de pierre et pour le reposer sur la moto

brrr, et dire que l’été commence demain, il fait vachement frisquet, je fais quelques pas

à l’étage de la maisonnette, une lumière tamisée éclaire la seule fenêtre en lucarne, dans l’allée, un maigre candélabre blafard ne parvient pas à faire briller la carrosserie de la voiture garée juste au-dessous

je crois bien n’avoir jamais vu une bagnole aussi sale, je parierais pour le tophemobile qui n’est toujours pas passé par l’Éléphant Bleu ni n’a trouvé de laveur bénévole capable d’astiquer autre chose que… pardon !

il fait vraiment trop froid

la porte à peine poussée, je tombe nez à nez avec un mec presque pas tout nu, un quadra qui porte pour seul vêtement un string fuchsia du plus bel effet avec trop peu de tissu pour dissimuler à mes yeux les avantages du monsieur

on se les caille grave

et si tu… vous mettiez un pyjama ?

je suis descendu chercher deux ou trois bûches pour le poêle

à côté de la cheminée… il en reste quelques unes…

tu ne montes pas ?

euh…

sans s’inquiéter davantage de ma réponse, les bras chargés de trois énormes bûches, il est reparti vers l’escalier

c’est alors que je l’ai reconnu, je connais ce petit cul-là par cœur, il ne peut s’agir que de Christophe, et la caisse craspouille et rouillée, dehors, est certainement la sienne

on a tiré la chevillette, je n’ai pas attendu que la bobinette chut, je suis allé ouvrir

une vieille dame, toute courbée et toute de noir vêtue, m’a demandé d’une voix caverneuse

Blan… euh… Virginie est-elle là ?

puis d’une voix rocailleuse

et Prof ?

non, je suis seul, je garde la maison

Il faudrait que vous donniez ceci à… euh… Virginie

elle a tendu vers moi une main décharnée aux ongles longs et sales et tavelée d’une multitude de fleurs de cimetière, elle tenait une pomme d’api, tapis, tapis rouge, que j’ai prise délicatement, tapis, tapis gris

elle a insisté

c’est pour Virginie

et puis sa silhouette s’est évanouie dans la nuit noire

moi, je crevais la dalle, je n’avais rien mangé depuis hier matin

je me suis dit que cette pomme serait bien meilleure réchauffée à la braise, et sitôt dit, sitôt fait, je me suis approché du feu pour cuire la peau toute rouge du fruit défendu

dès que je l’ai eu posée sur les cendres encore chaudes, la pomme s’est enflammée dans une fumée vert-de-gris, puis, soudainement, le trognon s’est transformé en une souris verte qui, à défaut de courir dans l’herbe, est partie se réfugier dans les plis du reps d’une bergère fleurie

j’ai alors essayé de me caler en face d’elle dans les oreillers et les coussins du canapé, en me disant que, décidément, le Haut-Brion a des effets retard dévastateurs

chaque fois que je me suis assoupi, la comtoise a tintinnabulé les heures, les demi-heures, les quarts d’heures, me tirant de ma torpeur

sinon, la maison est restée silencieuse jusqu’au petit matin et jusqu’au point du jour le plus long

mon pull et mes chaussures ont fini pas sécher, j’ai pensé qu’il valait mieux que je m’en aille sans bruit

quand je suis arrivé près de la Mini, je me suis retourné dans le petit jour vers la lucarne de l’étage

quelqu’un écartait le voilage et regardait vers moi, j’en mettrais ma main à couper, mais était-ce jf ? ou Christophe ? ou Virginie ?

ou bien Grincheux !? certainement pas Joyeux ! Simplet, peut-être !?

une nuit de folie, qu’elle disait



avec dans le rôle d’Atchoum : jf (à moto sous la pluie, jf adore rouler à moto sous la pluie et prendre des saucées et des rhumes mémorables)

dans celui de Dormeur : Christophe (cul nu, Christophe dort toujours cul nu)

j’aurais bien endossé celui de Timide si Charles, arrivé plus tôt et meilleur au casting, ne me l’avait pas piqué


je prie le fidèle lectorat féminin de Virginie de bien vouloir m’excuser si je l’ai ignoré

c’est pas ma faute, c’est celle des frères Grimm et de Disney (Walt pour les intimes) qui ont affabulé et fait atterrir Snow White chez les Seven Dwarfs, sept nabots mâles (certainement pas pédés mais plutôt asexués), vieux et barbus


janjacq (21 juin 2009)

merci de mentionner le nom de l’auteur





3 commentaires:

  1. charl' a dit...
    C'est vrai que je suis timide... tout le monde le sait maintenant alors....?!?! :)

    20 juin 2009 16:32


    ysa a dit...
    Ah j'adore ce texte, Bravo !!! T'aurais du monter quand même !!!

    21 juin 2009 05:25


    janjacq a dit...
    ➽ char'l
    je crois bien qu'on a passé cette folle nuit entre grands timides
    ➽ ysa
    pour le prochain solstice, celui d'hiver, et pour une nuit un peu plus longue, je monterai derrière toi, promis, et je te raconterai des histoires

    21 juin 2009 12:46


    janjacq a dit...
    ➽ virginie
    tsssst !
    "que j'aimerai toujours", c'est comme pour janjacQ, il n'y a pas d'esse à la fin, sauf à celle de toujours
    ou alors, il faut écrire : "que j'aimerais toujours si..."
    je sais, je sais, je suis un sale enc... de mouches, mais c'est toujours avec leur consentement
    bise, tu me pardonnes, hein ?

    21 juin 2009 12:57

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  2. Dana a dit...
    vivement le solstice d'hiver alors;

    non, je plaisante, profitons encore un peu de la chaleur et de la folie.

    Je vais revoir Snow White en attendant.

    21 juin 2009 14:51


    jf a dit...
    @JanjacQ: Je ne porte pas de tshirt jaune à manches longues ! ;-) Utilisant un casque intégral, certes gris, je ne peux pas avoir de moustiques sur les dents ! ;-)
    Humm, je ne savais pas que Christophe portait des strings fushia ! :-) Tu m'as l'air bien renseigné ! ;-)

    22 juin 2009 01:33


    Arachnée a dit...
    très drole et bien écrit! (je confirme je suis pas une nana! )

    22 juin 2009 02:49


    Christophe a dit...
    Oui très dôle et bien écrit. Mais je tiens à préciser quelques petites incohérences. Il en va de ma réputation et on ne rigole pas. Tout d'abord, ma voiture est toujours propre il faut quand même qu'elle le soit pour assurer dans certaines occasions. lol. Ensuite je ne porte pas de string. Je préfère encore ne rien mettre et je ne dors pas forcément cul nu. Cela dépend qui partage le lit.

    22 juin 2009 04:30


    la sorcière (the bitch) a dit...
    janjacq, vous êtes un menteur
    le fruit que j'ai offert à Virginie n'était pas une pomme d'api mais une reinette, tapis, tapis gris
    janjacQ, vous êtes un affabulateur
    par sortilège j'y avais enfermé une rainette, pas une souris verte
    et si vous aviez eu la patience d'attendre le jour et le réveil de Virginie, vous n'auriez pas manqué de rencontrer... le Prince Charmant que je vous destinais puisque, comblée, elle n'aurait pas voulu de lui
    janjacqQ, vous ne devriez pas abuser de nectar bordelais, ce ne sont ni jf, ni Christophe qui me démentiront

    22 juin 2009 12:08


    janjacq a dit...
    tiens, c'est tout gris ici

    22 juin 2009 12:12

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  3. Virginie a dit...
    @Charl' Un faux timide peut-être non ..
    @Ysa Il a préféré rester tout mouillé en bas le pauvre, remarque là-haut il y avait du monde !!
    @janjacQ Deux grand timites pfff...
    Monter derrière Ysa... c'est une fille !
    Et tu as remarqué j'ai corrigé le lien et pour le reste je ne t'en veux pas au contraire.. Si tu savais comme je fais attention, je n'arrête pas de me relire !
    @jf Tu sais des goûts et des couleurs et puis jaune avec ta belle moto blanche.... et puis le jaune, c'est bien la couleur du foot à Nantes ?
    @Pascal évidement avec un pseudo comme ça, normal qu'on te confonde avec une fille ! mais non..
    @Chritophe Ta réputation, mais tu en as plusieurs ! et tu ne dors pas toujours nu ? ma maman me disait toujours, la nuit laisse respirer tout ça !! et bien moi je dors toute nue, tout le temps !
    @La sorcière Chic, je n'en connaissais pas encore... j'aime les rainettes et les souris vertes de janjacQ ! et si j'avais gardé le Prince Charmant pour moi...
    et si janjacQ à abusé du vin, c'est parce qu'il avait froid !

    Merci à vous tous, et merci janjacQ - je ne fais plus de faute à ton nom ! - pour ce magnifique divertissement à qui une gentille sorcière à donné une suite...

    C'est gris souris en ce moment... une gentil lecteur m'a dit que ce n'était pas assez lisible en noir..
    je fais des essais, et tiens pourquoi pas un sondage !

    22 juin 2009 12:55


    Virginie a dit...
    @Dana Solstice d'hiver ! mais il y a une fête pour ce joli moment chez les celtes.. j'aime beaucoup cette version de blanche neige revue et corrigée par janjacQ et même je la préfère....

    22 juin 2009 13:05


    Virginie a dit...
    @janjacQ Pour le temps tu n'étais pas loin.. samedi soir le pull était de rigueur... et quelques jours plus tôt les bottes en caoutchouc !

    22 juin 2009 13:37

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