mardi 19 janvier 2010

Le chemin de la sagesse...



Haworth, Yorkshire le 29 Février 2100
J’étais assise à mon bureau et j’ouvrais mon courrier.
Un Free mail qui venait de France et pourtant je ne connaissais plus personne dans ce pays qui ne ressemblait plus à celui que mes aïeux avaient connu….
Dans ma maison des landes brassées par le vent, les éoliennes avaient enfin disparu et nous étions en train de redevenir plus sage.
Un rendez-vous à Paris, chez un notaire pour retirer un exemplaire d’une sorte de manuscrit…
Ne pouvant m’y rendre à cause de la Grève Générale, je demandais l’envoi de ce document contre ma signature électronique et ce fut fait dans les deux minutes qui suivirent.
Plus de 500 pages qu’il m’a fallu imprimer, classer et je m’installais enfin devant ma vraie cheminée à bois puisque mon chauffage calo solaire ne pouvait fonctionner, les mines d’uranium exploitées à outrance avaient fermé…
Une histoire, celle d’un homme qui vivait en France il y a bien longtemps.
Je parcourais des chapitres entiers consacrés à son enfance, à sa vie d’étudiant, à sa carrière de journaliste, à ses voyages …
Sa vie sentimentale comportait les chapitres les plus longs avec des prénoms qui n’ont plus usage aujourd’hui et c’est dommage….
Et lui-même d’ailleurs s’appelait Charles Magnet ce qui me fit sourire car avec un tel patronyme il n’aurait droit à aucune considération… Rien que des lettres, aucun chiffre !
L’année 2039 était imprimée dans une police différente et j’aperçue mon nom.
Le chapitre me concernait…
J’avais entre les mains l’histoire d’une rencontre entre cet homme et mon arrière-arrière grande tante Fleur de Rubempré…
61 ans, si loin et pourtant si près, une autre époque déjà.
Ce n’était pas une légende, j’avais bien une « branche Française » perdue de vue depuis si longtemps….
Sur ces feuillets, juste la reproduction d’une lettre manuscrite, et je devinais facilement l’écriture pleine de délicatesse d’une femme…
Biarritz, le 20 décembre 2039
Très cher Charles,
Ce petit voyage à Miami m’a rendu un peu nostalgique mais te savoir heureux sur ton nouveau territoire me laisse un joli gout sur les lèvres et je sais que le soleil de la Floride te manquait …
Ha, cette routine que tu détestes !
Et puis cette France que tu chérissais tant et qui t’à déçu.
Tes ancêtres aussi doivent être très malheureux…
J’aime à me rappeler cette dernière semaine passée ensemble ici chez moi avant l’arrivée tout en fanfare de Théophile et de sa petite famille !
Je lui ai envoyé une petite carte tout à l’heure et toi penseras tu à sa fête ?
Toutes ses jolies traditions qui se perdent…
Cette année grâce à toi aura été riche, une des plus riches et plus belle de ma vie et tu le sais… Je ne remercierai jamais assez ce cher Balzac de nous avoir réunis dans cette jolie bibliothèque d’Anglet où notre passion pour les Romantiques Français savait se satisfaire.
Et quelle belle alliance, que celle d’une descendante directe de la Comédie Humaine et de celle non moins directe du plus grand des Carolingiens…
Tu savais que Théophile raconte toujours cette histoire à ses enfants, et je t’imagine alors petit garçon, les yeux levés sur Louis ton cher papa écoutant les récits épiques de ton prestigieux ancêtre…
Génétiquement douée pour l’imagination que cette famille !
J’avais oublié de te dire que j’avais revu Maxence, tu sais le mari de Félicité, le propriétaire de l’auberge d’Auxotea ! Et bien il est d’accord pour me céder un couple de Pottock mais là c’est vraiment pour te faire plaisir, et j’espère que tu viendras me rendre visite plus d’une fois l’an…
Je veux bien t’aider quelque part à recréer ton enfance Charles, mais il ne faut pas exagérer, je ne suis pas la gardienne de la ferme Magnet and Co !
Ce matin, sont tombés quelques flocons et notre petit nid au fond du jardin est devenu très vite tout blanc… Blanc comme la couleur de ma robe, la première fois, tu te souviens ?
Mais bien sûr que tu te souviens, suis je bête !
Ta mémoire m’a toujours étonné, et je me demande encore pourquoi tu n’a pas écris un livre, ton livre celui de ton empreinte, de la mienne, de celle de tes amours…
J’ai mis un grand pull ce matin, le bleu marine tu sais le tien en cachemire, celui que tu as laissé pour mieux revenir…
Et j’ai marché jusqu’à la Gloriette, j’ai essuyé la neige sur le banc et je me suis assise et fermé les yeux…
J’ai revu un visage tout près du mien, j’ai senti le parfum du Perrier framboise, j’ai reconnu la douceur de ta barbe sur ma joue, sur mon front, sur mes lèvres…Notre premier baiser, premier geste tendre qui nous à bien fait rire !
Si on nous voyait, on à prononcé cette phrase en même temps…
Et alors, mes 60 ans et tes 67 n’ont-ils pas le droit de se conjuguer autrement que dans l’amour porté à la littérature, aux voyages, à la famille…
Ton premier cadeau, je le relis souvent…
Un livre bien sûr, mais ne pouvait-il en être autrement et tu vois grâce à toi et à la narratrice je n’ai pas eu peur de devenir une Femme Coquelicot !
Cette femme qui assume ses désirs, qui n’a pas peur de ses élans et qui trouve enfin du plaisir à la liberté d’être elle-même tout simplement …. Tu m’as appris que l’amour n’avait pas d’âge !
J’aime penser à notre première rencontre en février dernier, le jour de ton anniversaire … Enfin presque, parce que cette année pas de 29 sur le calendrier !
Cet homme timide et maladroit qui a renversé une pile de livres qui attendait d’être rangée…
Cette magnifique silhouette savamment entretenue, ce visage qui me fait toujours penser à ce portrait du peintre Caillebotte que tu apprécie tant…
L’échange de nos prénoms, ta surprise en découvrant le mien, et oui une mère qui enseignait la Littérature Anglaise et une amoureuse de l’œuvre de John Galsworthy …
Ce sourire, cette attention toute particulière, cette politesse qui se fait très rare, et puis ces petits mots qui sont venus se glisser à mon oreille, ces petits frôlements de doigts puis de mains…
Une invitation à l’auberge et une première soirée dans mon Ixte faisant face aux Pyrénées, nos montagnes puisque que toi aussi tu es natif de notre cher Pays Basque…
Et des heures, des soirées à se parler, à se raconter, à se confier…
Ton métier qui t’a offert la facilité du voyage, ton aisance de jeune homme de bonne famille qui t’a ouvert bien des portes ou tu as pu côtoyer les manants et les princes…
Et puis tes amours, jamais sans femme Charles, jamais seul ou si peu… Bien trop nombreuses sur la terre, tu ne pouvais te fixer…
Une par une, et parfois plusieurs en même temps ! Toi et les chiffres, fâchés à vie, et je ne t’en veux pas de préférer les mots, bien au contraire…
Les mots doux, les mots cachés, ceux que l’on dit avec les yeux, avec les mains et sans la bouche, tes préférés….
En attendant le printemps et ton retour, j’aime écouter les mots de notre chanson, celle de ce vieux chanteur disparu il y a seulement deux années…
Et si je m’en vais avant toi
Dis-toi bien que je serais là
J’épouserai la pluie, le vent
Le soleil et les éléments
Pour te caresser tout le temps
Hier, je me suis retrouvée face à la plage et aux rochers, comme je te l’avais promis… J’avais des bottes mais aux premières jonquilles je n’aurai plus peur pieds nus d’aller avec toi ramasser des oursins…
Cette enveloppe que tu m’as donnée, je ne l’ai ouverte qu’au dernier moment…
J’y ai découvert tes petits trésors, des lumières de toutes les couleurs, douces et soyeuses, du doré au plus foncé en passant par le roux, toutes ces jolies étincelles, tous ces petits souvenirs dérobés la nuit sur la couche de tes amantes…
Des petites mèches de cheveux, mêlées et emmêlées qui s’en sont allées dans l’océan pour l’éternité…
Quelle plus belle preuve d’amour que ces femmes rassemblées pour toi et un jour avec toi, parce que les enfants de Théophile t’on fait la promesse d’éparpiller tes cendres à cet endroit et aussi les miennes quand l’heure sera venue…
Je t’envoie la photo de nous deux, oubliée ici avant de partir et tu vas être surpris … Pourtant elle nous ressemble…
Je vais te laisser, allumer la lumière parce qu’il fait déjà nuit et que le temps passe vite avec toi.
Je t’embrasse tendrement, chez toi c’est surement le matin …
Fleur
Je reçois un mail de Théo à l’instant, il me dit que tu retourneras en France au printemps prochain pour écrire tes mémoires !
Charles le Sage sera le bienvenue dans ma maison….
J’étais émue, troublée aussi de rentrer dans l’intimité de ces instants d’exception…
Je me décidais à partir pour la France….
Biarritz, la côte Basque, des images sur Art Google, c’est tout !
Si ce Charles Magnet à suscité autant de ferveur tout au long de sa vie, c’est surement parce qu’il fait partie de ces personnes précieuses que le destin vous fait croiser un jour.
Quel âge aurait-il aujourd’hui, plus de 120 ans !
Non, toujours vivant dans les cœurs…..
Vendredi 11 décembre 2009
Virginie Rossetti pour Charles

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